Les maisons de Puy-Saint-André et leur évolution
Les maisons de Puy-Saint-André et Puy-Saint-Pierre et leurs accès
En 1983, François Fray (Secrétaire Régional de l'Inventaire Général de Provence-Alpes-Côte d'Azur) a publié un article dans "Le Monde alpin et rhodanien", une revue d'ethnologie qui fut publiée entre 1973 et 2006. Vous trouverez ci-dessous la retranscription de cet article (la version originale est aussi accessible via le site persee).
Ces deux petites communes du Briançonnais, à la différence de leurs voisines qui couvrent chacune les deux versants d'une vallée, s'étendent sur les flancs méridional et oriental du Prorel, entre le lit de la Durance qui coule à 1 160 m d'altitude et les sommets de l'Eychauda (2 661 m) et la Condamine (2 941 m). C'est sur la moitié inférieure de leur territoire, qui domine largement la haute vallée de la Durance entre Briançon et Villard-Saint-Pancrace, face à l'entrée de la vallée de la Cerveyrette, qu'ont été établis presque tous les villages et les hameaux ; seul le hameau d'alpage des Combes se situe à une altitude supérieure (1 834 m). Ces agglomérations comprennent des maisons isolées et des maisons groupées en îlots en fonction des possibilités du site : replat à Puy-Saint-Pierre, plateau incliné à Puy-Saint-André, terrasses successives à Puy-Chalvin et au Pinet, relief irrégulier à Rochas-Garnier.
D'une manière générale, les remarques que l'on peut faire sur l'habitat permanent rejoignent les observations déjà faites dans d'autres vallées : les composantes traditionnelles — logis, étable, grange — sont groupées dans un bâtiment unique construit pour l'essentiel en maçonnerie, le bois n'entrant ici que dans la confection des superstructures (balcons, loggias, cloisons, planchers et clôtures des granges ) ; celles-ci paraissent avoir été l'objet de modifications fréquentes plus ou moins improvisées.
Quant aux charpentes proprement dites, elles sont relativement légères et ont elles aussi subi des remaniements. On note la présence de demi-croupes dans la constitution des toitures de certaines des plus grosses maisons du Pinet.
On peut en revanche s'étonner de la variété d'aménagement des accès principaux du logis et de l' étable que l'on trouve ici groupés mais bien différenciés, chacun ayant sa propre porte d'entrée, les entrées multiples des logis correspondant d'ailleurs à des fonctions diverses : cuisine, au rez-de-chaussée ou à l'étage (dans ce cas, il peut s'agir d'une cuisine d'été finalement aménagée en cuisine moderne permanente ), chambres à coucher, chambre ménagère, entrée secondaire de la grange.
Ces aménagements connaissent ici divers degrés de complexité, des dispositifs les plus simples, extérieurs, plaqués sur la façade et qui de ce fait n'influent guère sur la distribution intérieure, au vestibule desservant d'une manière cohérente, de l'intérieur même de la maison, les principales pièces : l'étable, la cuisine, la cave et l'escalier qui conduit aux chambres et à la grange.
Si ces vestibules qui correspondent à la court névachaise sont au nombre d'une quarantaine et constituent un groupe important et homogène, les autres dispositifs, parfois moins structurés, présentent une grande variété de solutions au problème de l'accès : un quart du repérage, soit une vingtaine de maisons n'ont en façade que des éléments rapportés (escaliers, perrons, coursières portés par des poutres, des arcs, des voûtes d'arêtes ou en berceau ) épousant les irrégularités du périmètre de l'habitation ; d'autres ont un vestibule ouvert formant un vaste renfoncement dans la façade, soit traversant la maison de part en part, soit en angle, comme un porche, soit au centre, soit jumelé avec celui de la maison voisine. Ces vestibules peuvent inclure un, deux ou trois étages et abriter des escaliers.
Une telle variété de solutions adoptées pour l'aménagement de ce noeud essentiel de la distribution des maisons, et avant tout du logis et de l'étable — la grange ayant toujours une entrée qui lui est propre — pourrait résulter d'une certaine perméabilité aux modèles voisins : tounes du Champsaur, vestibules ouverts de Cervières ou des Alberts (Montgenèvre), loggias rappelant celles d'Arvieux dans le Queyras, perrons, porches, escaliers inspirés de formes simples des contrées plus méridionales. On note toutefois une prédilection pour l'usage du vestibule doté d'une porte unique, seule entrée des gens et des bêtes selon la disposition commune dans les vallées de la Clarée et de la Guisane. L'altitude moyenne des villages, 1 600 m, est la même qu'à Névache, mais les conditions de vie locale différent légèrement : l'obligation de rester dans la maison pendant l'hiver est moins contraignante, la court n'est plus ici, dans nombre de cas, qu'un sas de faible surface. Les autres maisons ont un dispositif de distribution ouvert, soit dans-oeuvre, soit hors-oeuvre qui, ne répondant pas à des habitudes ou à des contraintes bien précises, a fait l'objet de toutes les adaptations, et donc de toutes les modifications possibles répondant à la situation de chaque maison et à l'inspiration du constructeur.
C'est donc la variété de cet habitat qui nous a incités à le prendre comme exemple pour illustrer les problèmes de typologie. La position géographique de ces deux communes, au confluent de plusieurs vallées, la Clarée, la Guisane, la Cer-veyrette, avec celle de la Durance, face à la ville de Briançon, au carrefour de grandes voies de communication, a favorisé semble-t-il la juxtaposition de modèles très différents en multipliant les solutions intermédiaires et les altérations.
Les maisons dont le dispositif d'accès est extérieur
C'est surtout dans la commune de Puy-Saint-André où l'on en compte dix-huit, dont quatre à Puy-Chalvin — les hameaux de Puy-Saint-Pierre n'en conservent que deux dans un état reconnaissable — que l'on trouve des maisons dont les dispositifs d'accès ont le moins de rigueur dans leur aménagement. La façade antérieure de l'îlot 205-215 à Puy-Chalvin est caractéristique à cet égard ; exposée uniformément au midi et bénéficiant d'un relief égal sur toute sa longueur, elle présente une solution particulière à chacune des cinq maisons : les façades ne sont pas alignées, les renfoncements irréguliers abritent tantôt une sorte de toune voûtée au rez-de-chaussée, tantôt un escalier indépendant, tantôt un simple perron.
Dans d'autres cas, si l'espace situé au devant de la maison le permettait, on a pu développer une partie en avant-corps, ou au contraire aménager entre la nouvelle maison et un bâtiment voisin une aire d'accès, parfois un peu étriquée et très abritée faisant aussi, le cas échéant, office de liaison (les balcons, souvent ajoutés, ont été fréquemment utilisés à cet effet ) ; les dispositifs extérieurs les plus simples sont les coursières associées à un escalier. Plaqués contre la façade antérieure, portés par des poutres ou par des arcs, ils s'ornent parfois d'une rampe à balustres découpés. Certains de ces balcons sont de véritables porches, apparentés à la toune, en particulier celui de la maison 224 de Puy-Chalvin (parcelle C1473 aujourd'hui). L'espace qu'ils délimitent, au-devant des portes du rez-de-chaussée, pouvait être pavé de rondins de mélèze (maison 78 aux Merlins) tout comme les vestibules dont ils apparaissent comme un lointain souvenir.
Les maisons à vestibule ouvert sur l'extérieur
Reprenant l'essentiel des dispositions du vestibule clos, ce dispositif aménagé dans-oeuvre dessert les différentes parties d'habitation et d'exploitation ; chacune de ces maisons, au nombre de 11, résout d'une manière qui lui est propre le problème de l'accès et de la distribution. Deux variantes doivent être distinguées : celles qui concernent uniquement le rez-de-chaussée, et celles qui desservent deux ou trois étages.
— Les vestibules ouverts au rez-de-chaussée sont peu nombreux et apparaissent ici comme des cas particuliers : celui de la maison 195 du Pinet est un porche d'angle voûté d'arêtes, ouvrant autrefois sur l'étable et l'escalier intérieur conduisant à l'étage ; quant à celui de la maison 504 à Bel voir, couvert d'un long berceau, il rappelle le dispositif équivalent de la maison 686 à Val-des-Prés, ouvrant sur deux façades opposées.
— Les vestibules ouverts sur plusieurs étages sont plus originaux et contribuent à modifier sensiblement la distribution : totalement dépourvus de façade, ils abritent portes et fenêtres du rez-de-chaussée et des étages, ainsi que l'escalier d'accès du logis. Voûtés d'arêtes, ils commandent deux étages ; plafonnés, ils bordent aussi le deuxième plan de la grange dont le balcon règne sur les trois côtés intérieurs, comme aux Bérards. Six de ces volumes appartiennent à des maisons doubles de Puy-Saint-André et Puy-Chalvin et sont donc aménagés dans l'axe de leur façade antérieure ; deux d'entre eux, symétriques et jumelés, appartiennent à deux maisons mitoyennes de Puy-Saint-André ; ce sont les seuls à être clos d'un mur s 'élevant à mi-hauteur.
— Quelques maisons ont un dispositif mixte plus complexe que l'on peut considérer comme un vestibule dédoublé en hauteur : au rez-de-chaussée, la court reste de type névachais, c'est-à-dire close ; à l'étage par contre s'ouvre une loggia. Tel est le cas de la maison 188 à Puy-Chalvin et à Belvoir où la maison 507-508, dont le faîtage porte la date de 1789, possède deux loggias centrales superposées. A cette disposition s'apparente celle de la maison 442 à la Croiza dont le couloir voûté de l'étage communique avec le vestibule ouvert du rez-de-chaussée par l'intermédiaire d'une coursière et d'un escalier extérieur en bois. Ce dédoublement de la distribution rappelle les dispositions de la maison double 472-473 de la Vachette (Val-des-Prés) et surtout celles de la maison 227 de Villard-Saint-Pancrace qui possède deux vestibules, clos au rez-de-chaussée et ouvert à l'étage.
Les maisons disposant d'un vestibule
Ces maisons sont réparties sur l'ensemble des agglomérations des deux communes : huit d'entre elles ont été dénombrées à Puy-Saint-André, deux à Puy-Chalvin, une à Puy-Saint-Pierre (ce village fut presque entièrement détruit en 1944 par un bombardement ), sept à Puy-Richard, onze au Pinet et onze dans les hameaux de Puy-Saint-Pierre. D'une emprise au sol moyenne de 120 mètres carrés, elles ont un plan qui correspond soit au type A, soit au type B définis dans la vallée de la Clarée (Cf. François FRAY, «L'habitat traditionnel dans la vallée de la Clarée », Le Monde Alpin et Rhodanien, n° 1-2/1978, typologie p. 210) . Les plus nombreuses relèvent du type B : le vestibule central dessert la cuisine d'un côté, l'étable de l'autre ; généralement sa surface est assez restreinte ; celle de la maison 515 de la Bourelle paraît avoir été prise sur le volume de l'étable.
L'implantation paraît parfois moins ordonnée que dans la vallée de la Clarée. Deux maisons témoignent d'ailleurs de reprises importantes : la maison 484 de Puy-Richard et la maison 281 de Rochas -Garnier ; l'une et l'autre ont été construites par étapes, la dernière étant le placage du vestibule dans l'angle des deux ailes constituées par le logis et l'étable.
Dans l'ensemble les façades de ces maisons sont parmi les plus régulières ; des balcons les bordent sur un ou deux niveaux. La plupart des portes d'entrée, en plein -cintre ou en anse de panier, ont un ébrasement extérieur ; l'imposte en fer forgé, qui surmonte parfois le bâti dormant, possède un décor rayonnant dans lequel s'inscrivent la date de construction et les initiales du propriétaire : 1746/CE, maison 225 au Pinet ; 1762/IM (Jean Martin), maison 194 au Pinet. Par contre à Rochas -Garnier, c'est une pierre gravée encastrée dans le mur du logis de la maison 281 qui porte l'inscription : 1749/W.I.B.
Les maisons de Puy-Saint-André : Avant/Après
Vous trouverez ci-dessous une série de photos montrant l'évolution des maisons de Puy-Saint-André au cours du XXeme siècle. Ces maisons sont référencées à l'aide de leur numéro d'inscription au cadastre. Vous pouvez retrouver leur emplacement via des sites comme lecadastre.com
Les maisons de Puy-Saint-André (chef-lieu) : Avant/Après
(Image issue du site de la mairie)Puy-Saint-André le chef-lieu maison [1276]
Vue d'ensemble de la façade antérieure. Certains dispositifs apparaissent comme une solution intermédiaire entre le vestibule ouvert et les dispositifs carrément extérieurs. Leur aménagement qui présente une assez grande variété de compositions en conserve l'emplacement et le volume, mais il en a perdu la cohérence. La maison 1276, avec son renfoncement quadrangulaire ouvert sous un caisson abritant un plan de la grange est un exemple caractéristique à cet égard, encore très proche de la maison à court. La ruelle sur laquelle elle donnait étant en effet étroite, il était impossible de rejeter le moindre élément de distribution au-devant de la façade, c'est-à-dire au-delà de la limite de la parcelle.
Puy-Saint-André le chef-lieu maison [1271]
Vue d'ensemble de la façade antérieure. Le vestibule n'est plus ici qu'un élément banal parmi les autres, petit volume ouvert et voûté situé sous le palier du premier étage.
Puy-Saint-André -le chef-lieu -maisons [1330 et 1329]
Façades antérieures avec les deux vestibules jumelés
Le schéma de gauche correspond à une perspective restituant l'intérieur du vestibule de la maison 1330.
La juxtaposition de ces deux volumes, très proches des précédents, rappelle pourtant la disposition des maisons doubles : chaque maison reste indépendante ; le mur s'élevant à mi-hauteur préserve un espace clos de circulation.
La partie supérieure mise à profit dans la maison [1329] pour aménager une pièce supplémentaire, donne de la lumière à tout le dispositif (portes du logis et de la grange, escaliers ) et s'apparente à une loggia.
La clé de la porte de la maison [1330] est datée 1816.
Puy-Saint-André -le chef-lieu [1331]
Au quartier du Canal, il y avait "deux Maurice".
On les appelait, pour les différencier, le "petit" et le "grand".
Le petit Maurice du Canal vivait dans la maison 1331 avec sa mère Honorine Eugénie BR (1893-1971) (appelée Eugénie du Canal).
Dans la maison d'à coté, vivait Le "Grand Maurice du Canal", c'était mon oncle Maurice BARNEOUD FERRET.
Le petit Maurice était l'un des tout derniers cultivateurs " à vivre ou survivre" du travail de la terre dans ce pays qui demandait énormément de travail à ses paysans.
Le petit Maurice, accroché à sa montagne, a lutté toute sa vie sans rien gaspiller, une époque où l'autonomie était presque totale. A Puy Saint André, les incidences du climat et la pente des terrains ont une influence incontestables sur les rendements agricoles. Là demeurent toutes les difficultés avec lesquelles ont du vivre nos anciens.
Nous voyons bien aujourd’hui que la relève est devenue très rare...
De tous ces nombreux anciens cultivateurs, il n'en reste aujourd’hui qu'un seul, un jardinier qui ne ménage pas sa peine, c'est Eric Lo Cicero qui retravaille un espace naturel sauvé de l’oubli : Les jardins des Terres Vivantes
Dans cette commune, avec une force de travail évidente, les récoltes demeurent totalement liées au climat, seul l'élevage peut encore valoriser d'une qualité de l'herbe avec un petit nombre d'exploitations. Pour les quelques-uns qui restent, ils doivent faire face à un prédateur redoutable, "le loup". Un obstacle de plus qui pourrait les faire disparaitre totalement...
(JLBC)
Puy-Saint-André-le chef lieu - maison [1825]
Merci à Jacques RICHARD pour son aide.
Ci-dessus la maison en 2009 et à droite en 2021
La cure
Avant/Après
Maison 1279
Avant/Après (au centre google maps 2009, à droite en 2021)
Maisons 1249/1250
A gauche dans les années 70 / A droite en 2017
L'ancienne mairie
Avant/Après : Transformé en maison d'habitation (2009, google maps)
L'ancienne ecole devenue la Mairie
Avant (Ecole) /Après (Mairie)
Maison de Marie Rose [1851]
Les deux photos de gauche datent de 2009 (prises sur google map), à droite la maison aujourd'hui
Les maisons de Puy-Chalvin : Avant/Après
(Image issue du site de la mairie)Puy-Chalvin : Parcelle 1473
Puy-Chalvin : L'ancienne école (rénovée en 2018)
Puy-Chalvin : "La coule douce"
Ci-dessous l'évolution vue de l'autre facade
Puy-Chalvin - maisons [176, 211, 212, 215]
Façades antérieures avec les deux vestibules jumelés. Vue de détail du dispositif d'accès : volume ouvert au rez-de-chaussée, escalier et palier rapportés de l'étage.
La maison de gauche (215) appartenait à Émile BARNEOUD ROUSSET et sa femme Marie FERRUS.
L’escalier de cette maison passe devant la façade de celle de Casimir HERMITTE et Berthe FAURE GEORS de Sorgues (maison 212).
Cette maison fait partie de l'extrémité d'un quartier de Puy Chalvin appelé " la Tière". C'était un quartier tout en longueur où toutes les maisons étaient limitrophes les unes des autres.
Issu de l'occitan "tiera" qui désigne une haie, un talus ou une bordure de champs où poussent des buissons. A pris le sens de "file/suite" (André Faure, Noms de lieux & noms de familles des Hautes Alpes).
Evolution des maison "176" (maison de gauche sur les photos) et "215".
La maison 176, quartier du Fresne au nord ouest de la tière était habitée par Sidonie BARNEOUD ROUSSET.
La maison "215" (facade ouest) .
Les maisons 211 et 212.
Les maisons 211, 208 et 207.
Facades arrières des mêmes maisons 211, 208 et 207.
Puy-Chalvin maisons [179-180]
A gauche, dans les années 70, devant la maison au volant Guille Marcel, dehors debout Guille Marguerite son épouse et Huguette sa fille. Au milieu, même maison en 1977. A droite, toujours la même maison mais en 2009
Puy-Chalvin : maisons disparues
A Puy Chalvin, j'ai été le témoin de la fin d'une époque....
Cette photo des maisons disparues représente pour moi une image restée mémorielle, elle précise concrètement mon imagination.
Les personnes qui les ont connues ne sont pas nombreuses aujourd'hui. C'est difficile d'admettre qu'elles aient pu disparaitre par manque d'entretien ou de rénovation à cause de la pauvreté de leurs propriétaires. Tout ça, sans catastrophe naturelle ni dégâts d’incendie.
Dans la maison disparue en contrebas de la rue montante, j'allais rendre visite aux personnes âgées qui l'habitaient. Je veux parler d’Alphonse RATEL (1875-1950) et de sa femme Pauline DISDIER (1883-1951).
Sur la partie droite de la photo coulait un petit ruisseau, il contournait la maison de ma Grand Mère Pauline FAURE GEORS. C’était pour moi un terrain de jeux naturel.
Dans cette rue, je voyais tous les soirs sans exception "les montagniers" du Chef Lieu qui montaient aux Combes en période d'alpage. Cette rue était un peu le chemin de leur vie. Ils montaient d'un pas décidé par groupes de quatre ou cinq en se racontant les histoires fraiches du village. Ils avaient tous un sac tyrolien sur le dos, une gamelle pour leur souper avec un bâton de l'autre main. Ils s’entrainaient les uns les autres, se communiquant leur courage car "les lambans" étaient mal vus en général.
Après leur journée bien remplie dans leurs champs, là haut, il allaient traire leurs vaches avant de se reposer dans leur chalet d'alpage. Ils apportaient tous leur lait le soir et le matin à la fruitière des COMBES. C'est la fruitière qui fabriquait la tomme de Saint André. Elle était appréciée localement et dans le Briançonnais. Elle permettait de pouvoir obtenir les produits de première nécessité indispensables aux familles.
Le matin, ils redescendaient de bonne heure pour recommencer une autre journée de travail intensif. Je les rencontrais dans les champs où ils travaillaient pour obtenir des récoltes absolument indispensables pour passer les longues périodes d'hiver. Ils savaient que les beaux jours ne duraient pas longtemps et qu'il fallait aussi préparer l'hivernage des bêtes.
Parmi eux, il y avait Marie Eugénie BARNEOUD ROUSSET (1912-1991) (épouse de Pierre Julien GAILLARD (1902-1980)), une marcheuse infatigable. Ils habitaient à l’extrémité Est de "la Tière" (partie invisible, à gauche de la photo). J'ai eu l'occasion d'accompagner Marie lorsque c’était son tour de garde pour "les Clozurières". Souvent, j'ai eu l'occasion de suivre mon oncle François FAURE GEORS avec sa chienne Diane. Dans chaque famille, il y avait un chien toujours bien dressé qui était indispensable à tous ces bergers pour assurer la garde des troupeaux à tour de rôle.
Plus tard, comme plusieurs jeunes du village, j'ai eu le privilège d’être invité par Émile Pierre BERMOND GONNET (1901-1974) dit Émile du Caire époux de Pauline Louise BARNEOUD CHAPELIER (1901-1974). Lorsque nous montions vers le Saouto, dès le début des Prés de Lin, les marmottes se faisaient entendre. Elles devaient apprécier les bonnes herbes du vallon. Mais, Émile était un fin chasseur. Le matin, en montant vers les Partias, il installait deux ou trois pièges et le soir il y en avait toujours une à mettre dans la musette...
Ces montagnards savaient-ils alors qu'ils étaient les derniers représentants d'une tradition ancestrale de la vie en montagne qu'eux seuls savaient maitriser par leur savoir vivre et leur bon sens?
Aujourd'hui, les tentatives de retour à la production locale ne peuvent être que des inspirations enthousiastes mais difficiles à réaliser de façon pérenne...
JLBC